La mémoire, source de la création artistique!
Mnémosyne, déesse de la mémoire
Mnémosyne, déesse de la mémoire, tenant le charbon de bois incandescent
Œuvre de Françoise Taramini (2008) pour l’Institut Mens Sana (vue partielle)
Mnémosyne, déesse de la mémoire, protectrice des poètes
La mémoire revêtait pour les Grecs de l’Antiquité une importance primordiale.
La première raison en est que fixer les connaissances en ces temps-là, que soient celles du savoir culturel ou celles dont on a besoin dans la vie quotidienne, est une opération problématique puisque « Écrire » est difficile : il n’y a pas de papier, le parchemin est un support rare et cher, l’imprimerie n’existe pas, beaucoup ne savent pas lire, et la langue écrite elle-même n’est pas bien fixée avant le 7ème siècle avant J.C. Il faut donc avoir recours à la mémoire pour emmagasiner les informations et les savoirs dont on a besoin.
La seconde raison est que les Grecs avaient compris que les capacités créatives d’un individu, son aisance à se projeter dans l’avenir, à concevoir un projet, à imaginer dépendent directement de la qualité de sa mémoire et de la richesse de ce qu’elle contient.
Dans le panthéon grec, la déesse de la mémoire est Mnémosyne. C’est une Titanide, c’est-à-dire qu’elle appartient aux dieux et déesses primordiaux, à savoir les Titans, au nombre de six et les Titanides, au nombre de six également. Titans et Titanides précèdent l’existence des dieux olympiens qui nous sont plus familiers : Zeus (Jupiter), Poséidon (Neptune), Hadès (Pluton), Héra (Junon)), Arès (Mars), Aphrodite (Vénus), Artémis (Diane), Athéna (Minerve), Apollon (Apollon), Hermès (Mercure), etc.
Les pouvoirs de Mnémosyne dépassent ce que l’on entend au sens commun du terme par « mémoire ». En tant que déesse de la mémoire, Mnémosyne connaît tout depuis l’origine des temps et tout jusqu’à la fin des temps. On comprend ainsi pourquoi elle constitue mythologiquement et symboliquement un pilier de la Création du monde et de l’univers.
A la suite de son union pendant neuf nuits avec Zeus, Mnémosyne a engendré les neuf Muses, lesquelles Muses président aux arts libéraux : Euterpe (la musique), Thalie (la comédie), Melpomène (la tragédie et le chant), Terpsichore (la danse), Erato (la poésie lyrique et érotique), Uranie (l’astronomie), Polymnie (la rhétorique et l’éloquence), Calliope (La poésie épique). Ainsi en faisant de Mnémosyne, déesse de la mémoire, la mère des Muses, inspiratrices et protectrices des arts libéraux, les Grecs instituaient la mémoire comme le fondement de la création artistique. Rappelons sous cet aspect l’expression de Jean-Marie-Gustave Le Clézio, prix Nobel de littérature :
« L’imagination n’est rien, tout vient de la mémoire. »
Dans le droit fil de la relation « mémoire/ inspiration artistique », Mnémosyne est également la protectrice des poètes, voire leur inspiratrice. Cela se comprend si l’on se rappelle que Mnémosyne connaît tout ce qui a été depuis l’origine des temps et tout ce qui sera jusqu’à la fin des temps. Ainsi, Mnémosyne rend les poètes « aveugles », c’est-à-dire aveugles aux réalités immédiates et quotidiennes (Homère, auteur présumé de l’Iliade et l’Odyssée est décrit comme étant aveugle), ‘’parce qu’ils voient l’invisible’’, pour reprendre la belle expression de Jean-Pierre Vernant*. Voir l’invisible, c’est voir au-delà du présent immédiat qui justement nous aveugle pour percevoir une certaine vision de ce qui sera dans des temps futurs, c’est aussi être capable d’accéder à tout le passé de l’humanité et de la création pour en faire le matériau de l’inspiration poétique.

Cette représentation de la mémoire chez les Grecs anciens est une question d’aujourd’hui.
En quoi les représentations de la mémoire chez les Grecs anciens sont-elles une question d’aujourd’hui ? Parce que chacun d’entre nous possède des richesses extraordinaires de savoirs, de souvenirs, de récits, de réminiscences, de mots entendus, d’expressions d’un moment, de visions photographiques, de sons de voix, de mélodies, de musiques, de parfums et d’odeurs dont le simple rappel d’un instant ouvre tout un pan de souvenirs que l’on croyait oubliés, tous rangés dans les bibliothèques mémoire de notre cerveau. Pour les retrouver, il peut être nécessaire d’apprendre comment les faire resurgir à notre conscience. Pour cela, il faut le vouloir et un peu d’entraînement. Les sensibilités de notre époque et les capacités offertes par l’allongement de la durée de la vie ouvrent chez beaucoup des désirs de se rappeler, de partager en famille, entre générations, voire d’écrire pour soi-même ou pour les autres, l’histoire de sa vie ou de fragments de sa vie ou de celles de proches que l’on a connus.
« Il suffit pour ça d’un peu d’imagination… » dit Charles Trenet à la fin de sa chanson Un jardin extraordinaire.
Mais comme l’imagination vient de la mémoire, il suffit « pour ça » d’un peu de concentration en devenant l’artiste de soi-même, le poète de son passé comme l’étaient les poètes grecs, de découvrir et d’apprendre un mode particulier d’exploitation de sa mémoire qui, sans prétention pour soi-même, se confond alors avec un certain “art de la mémoire”.
François Bénétin
* Mythe et pensée chez les Grecs – Jean-Pierre Vernant
Librairie François Maspero, Paris, 1965, 1971 et Éditions La Découverte, Paris, 1996
Crédits photos Adobe Photoshop



Il y en avait aucuns qui considéraient que le vivre sobrement et se garder de toute superfluité dût beaucoup résister à un tel accident ; et s’étant assemblés en une bande, vivaient ainsi séparés de toute autre compagnie, et s’assemblaient et s’enfermaient en ces maisons où il n’y avait aucun malade, où, pour mieux vivre, ils usaient de viandes délicates et vins excellents et fuyaient toute luxure, sans parler à personne qu’entre eux, ni vouloir entendre parler de dehors de morts ou de malades, et avec instruments et tous les plaisirs qu’ils pouvaient avoir, passaient le temps.
Il y en avait d’autres de contraire opinion, lesquels affirmaient qu’il n’y avait médecine plus certaine à si grand mal que le boire beaucoup et se réjouir, chanter à tout propos, aller çà et là, et satisfaire à l’appétit de toute chose qu’ils pouvaient souhaiter, et se rire et moquer de ce qui advenait, et faisaient comme ils disaient, jour et nuit, car ils s’en allaient maintenant à une taverne, et tantôt à une autre, vivant sans règle et sans mesure. Et ceci faisaient-ils souvent dans les maisons d’autrui, pourvu qu’ils y sussent quelque chose qui leur vînt à plaisir et à gré. Ce qu’ils pouvaient faire aisément, parce que chacun, comme s’il ne devait plus vivre en ce monde, avait comme soi-même mis à l’abandon tout ce qu’il avait. C’est pourquoi la plupart des maisons étaient devenues communes, et l’étranger, pourvu qu’il y voulût venir, en usait comme le maître. Avec cette bestiale délibération, toujours fuyaient-ils tant qu’ils pouvaient les malades. Et en telle affliction et misère de notre cité, l’autorité vénérable des lois, tant divines qu’humaines, était quasi détruite faute de ministres et exécuteurs d’icelles, lesquels étaient tous morts ou malades comme les autres, ou bien demeurés si seuls et en si grande nécessité de serviteurs qu’ils ne pouvaient faire aucun office, aussi était-il licite à chacun de faire ce qu’il voulait.

Plus l’émotion provoquée par un événement est intense, plus cet événement capte l’attention et mieux il est mémorisé. Cette attention dite « émotionnelle » a été découverte en 2005. Elle s’ajoute aux deux catégories d’attention que l’on distinguait auparavant : l’attention exogène et l’attention endogène.
Enfin, elles confirment la pertinence de certains apprentissages faisant partie des processus d’amélioration et de développement de la mémoire tels qu’ils sont proposés les programmes mémoire Mens-Sana. Il s’agit en fait d’introduire et d’associer des images ou des représentations mentales chargées d’un contenu émotionnel aux éléments que l’on désire mémoriser pour qu’ils prennent, selon l’expression que vous utilisons, une densité de représentation dans notre cerveau et puissent ainsi s’inscrire durablement dans notre mémoire.