Extrait de l’article du Figaro du 31 juillet 2023 d’Anne Prigent
Quel est le secret des octogénaires dont le cerveau est aussi alerte que celui des personnes ayant trente ans de moins ?
Bouger et bien dormir expliquerait les performances cognitives des « super-seniors »
Quel est le secret des octogénaires dont le cerveau est aussi alerte que celui des personnes ayant trente ans de moins ? Des « super-seniors » chez qui les experts espèrent trouver les clés pour lutter contre le déclin cognitif lié à l’âge ou à des pathologies comme Alzheimer. Une étude espagnole, publiée mi-juillet dans the Lancet Health Longevity, relève quelques caractéristiques de ces super-seniors. Ils ont notamment une vitesse de déplacement plus élevée que les autres, marqueurs d’une meilleure forme physique, ou des taux d’anxiété ou de dépression plus faibles.
Pour mener cette étude observationnelle, les chercheurs ont recruté 121 personnes choisis parme des patients suivis dans le temps pour étudier la maladie d’Alzheimer. Ils ont inclus 55 personnes connues pour avoir une mémoire « typique » pour leur âge (82 ans en moyenne) et 66 personnes définies comme des « super-agers ». Ce terme, qui n’a pas vraiment d’équivalent en français, a été inventé par un centre de recherche américain sur la maladie d’Alzheimer pour désigner les personnes de plus de 80 ans dont les capacités de mémoire, mesurées par des tests, sont équivalentes à celles des quinquagénaires. …
Comme cela avait été montré dans de précédentes études, un examen IRM a confirmé que le cerveau des super-seniors possédait un volume de matière grise plus important dans les zones liées à la mémoire. En revanche, les marqueurs sanguins connus pour être des facteurs de risque des maladies neurodégénératives étaient similaires dans les deux groupes. « Nos résultats suggèrent que les super-agers sont résistants aux processus de déclin de la mémoire bien que les raisons précises de cela ne soient pas encore claires » a déclaré Marta Garo-Pascual, du centre Alzheimer de la fondation reine sofia à Madrid, coauteur de l’étude.
Jamais trop tard…
Les chercheurs ont néanmoins mis en évidence quelques caractéristiques de ces super-seniors. Ils ont notamment obtenu des scores plus élevés aux tests d’agilité, d’équilibre, et de mobilité. L’activité physique est un élément clé pour avoir un cerveau en forme, et, « elle devrait être au centre des préoccupations pour le bien-vieillir. En caricaturant, je peux dire : « Montrez-moi comment vous marchez, je vous dirai quand vous serez dément. » souligne le Pr Éric Boulanger, spécialiste du vieillissement et directeur de Tempoforme, dans les Hauts de France, un programme de prévention pour les personnes avançant en âge qui propose une application pour s’auto-évaluer et connaître les bons gestes.
Les tests cliniques ont aussi mesuré des taux de dépression et d’anxiété moins élevés chez les supers-seniors. On sait que les maladies de l’humeur impactent sur la cognition « mais est-ce que c’est lié aux troubles mêmes, à la diminution des interactions sociales qui accompagnent ces troubles ou aux médicaments ? L’étude ne le dit pas. » constate le Pr Boulanger. Autre caractéristique importante pointée par l’étude, selon les spécialistes : les super-seniors déclaraient avoir eu une bonne qualité de sommeil quand ils étaient âgés d’une quarantaine d’années. « Le sommeil est primordial pour le vieillissement cognitif, et cela ne se sait pas assez. Une étude publiée en 2019 dans Science suggère que des flux de liquide céphalorachidien importants viennent nettoyer le cerveau de ses toxines », insiste le médecin.
Faire attention à son alimentation, à sa forme physique, à sa vue, à son audition, à son bien-être psychique, à son sommeil, n’est pas un remède miracle pour bien vieillir, mais cela permet de maximiser ses chances. « Bien vieillir, c’est garder nos fonctions pour pouvoir continuer à faire ce qui est important pour chacun d’entre nous », résume le Pr Bruno Vellas, responsable de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié au vieillissement de Toulouse.
Six fonctions sont essentielles au maintien de l’autonomie : la vue, l’audition, la mobilité, l’état psychologique et cognitif, et la nutrition.
Et, la bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. « Quel que soit le stade, il est possible d’agir pour redevenir robuste ou éviter de devenir dépendant » insiste le Pr Boulanger. C’est aussi l’objectif du programme Icope, développé par l’Organisation mondiale de la Santé. En France, il a été développé par le Gérontopôle de Toulouse et propose aux médecins des outils, pour dépister et suivre, chez les plus de 60 ans, six fonctions essentielles au maintien de l’autonomie : la vue, l’audition, la mobilité, l’état psychologique et cognitif, et la nutrition.
Publié dans le Figaro du 31 Juillet 2023 – Crédit photo Adobe Photoshop
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