Chassez le stress!
Chasser le stress
Le stress est l’un des plus grands ennemis de la mémoire. Ses effets affaiblissent les capacités mémorielles de notre cerveau, voire les paralysent, que ce soit pendant une durée brève ou sur une longue période selon la nature du stress. Les incapacités subies par la mémoire touchent les facultés d’enregistrement et d’apprentissage comme celles de la restitution des éléments stockés (Cf. notre article intitulé Stress, travail, responsabilité et mémoire).
Selon les individus, il en est qui se débarrassent aisément des impacts du stress et d’autres qui deviennent prisonniers de ses effets, à savoir l’anxiété et la fixation des pensées dans des ruminations sans fin et sans échappatoires. Pour se libérer de cet enfermement cérébral, il est judicieux de comprendre le phénomène du stress pour se préparer mentalement à aborder les moyens de s’en débarrasser.
Qu’est-ce que le stress ?
Le mot « stress » dont l’origine remonte de l’anglais au français et du français au latin exprime au départ les idées de pression, de serrer et resserrer qui évoquent l’effet ressenti du stress. Le mot aujourd’hui possède trois sens : celui de cause comme dans l’expression « Je suis stressé », il désigne également le processus d’adaptation, la réaction physiologique à l’agression, c’est-à-dire à la cause, et il exprime également les conséquences de ce qui s’est passé. Le stress n’est pas une maladie, c’est une réaction normale et physiologique, un processus d’adaptation à une agression. Mais quand ce processus n’est pas adapté, un certain nombre de réactions peuvent se produire et aboutir à des maladies. Ce qui peut aussi se produire, ce sont les conséquences de réactions antistress, d’ordre alimentaire ou de consommation d’alcool par exemple qui elles-mêmes génèrent des pathologies.
Une autre caractéristique du stress est son rapport au temps. Certaines causes du stress sont la pression de l’immédiateté des exigences de la vie, les zappings qui s’imposent à nous en permanence, et la bousculade des rythmes de vie qui nous sont imposés. C’est une pression continue sur le corps. Or, le corps a naturellement des séquences bien organisées dans le temps. Si nous ne respectons pas ces rythmes, nous nous trouvons enfermés dans le présent. On peut citer l’expression d’Einstein : « Seul l’avenir m’intéresse parce que c’est là que j’ai décidé de passer le restant de ma vie. »
On distingue différentes catégories de stress :
Le stress évènementiel : celui qui arrive sans signe avant-coureur. C’est le stress post traumatique, les évènements dramatiques de la vie comme un décès ou un accident,
Le stress structurel : c’est celui dans lequel nous vivons tous les jours. Il est en général la somme de petites pressions, de petites contrariétés, de petits problèmes comme être dans un logement qui ne vous plaît pas, dans un quartier avec un manque de sécurité, être contrant d’utiliser des transports qui ne vous vont pas. On s’y adapte sans s’en rendre compte, mais cela coûte au corps et à l’esprit.
Dans cette catégorie, deux causes sont à prendre en compte : l
Le bruit, la pollution sonore omniprésente.
La lumière, l’insuffisance de la lumière dans les zones ou régions où il ne fait pas beau par exemple.
Le stress professionnel : celui dont on parle plus. De plus en plus de choses à faire de plus en plus rapidement auxquelles s’ajoute parfois la perte d’autonomie dans des encadrements hiérarchiques plus pesants. Il y a également le stress attaché aux postes de responsabilité. Les conséquences des stress d’ordre professionnel sont la fatigue, des déficits d’attention et de concentration, des troubles du sommeil, des troubles fonctionnels : troubles digestifs et cutanés par exemple. Il faut souligner l’importance des troubles du sommeil qui empêchent de se reconstituer.
Le stress de la solitude : Ajoutons la solitude qui est un facteur important de stress. Ses effets ont été particulièrement constatés pendant la période du covid avec les situations d’isolement imposé et l’incertitude dans le déroulement à venir de l’épidémie associée aux autres désagréments.
Enfin, retenons que le stress accélère la destruction des cellules du cerveau et qu’il peut être dans certaines conditions un facteur de déclenchement de maladies cardio-vasculaires.
En fait, notre environnement nous bombarde d’agressions, petites ou grandes, qui nous affectent. La vie, c’est vivre dans un univers de stress. C’est pourquoi il existe un bon stress, celui qui fait face aux agressions et qui les maîtrise ou en efface les effets dommageables. Mais pour les désagréments producteurs de stress que nous ne parvenons pas à surmonter, il est raisonnable, ainsi que le dit le docteur Marc Salomon, de prendre soin de nous et d’aménager notre environnement, c’est-à-dire s’adapter et s’adapter par avance.
Le stress le plus destructeur est le stress chronique, celui qui devient permanent et s’installe dans le temps. Les conséquences peuvent être diverses : douleurs dans le dos, dans le ventre, migraines et surtout l’installation d’un état de dépression quotidien. La dépression se caractérise par le sentiment de ne plus avoir le contrôle sur les éléments de notre environnement qui nous accaparent ou que nous croyons qui nous accaparent.
Le processus du stress :
Le cerveau perçoit des modifications de l’environnement et établit des stratégies pour y faire face. Des médiateurs sont impliqués, par vagues dans le temps. Les premiers sont les neurotransmetteurs tels que la noradrénaline, la dopamine et la sérotonine. L’élévation considérable du taux dans notre corps se produit en une fraction de seconde avec des effets importants comme pour la dopamine dans l’évaluation des risques et pour la noradrénaline dans l’examen de l’environnement de façon large.
Puis les neuropeptides et, en réponse au stress en particulier la corticolibérine (CRH) qui se libère dans le locus cæruléus qui se trouve dans le tronc cérébral, dans le noyau amygdalien et, avec d’autres neuropeptides, dans l’hypothalamus. Dans l’hypophyse, cela va déclencher une hormone, l’adrénocorticotrophine, qui elle va se libérer dans le sang et agir sur les glandes surrénales pour induire la synthèse et la sécrétion d’hormones glucocorticoïdes qui vont, dans le sang, atteindre tous les organes par le biais de leurs récepteurs. Par ailleurs, il y a sécrétion de noradrénaline dans le système sympathique et d’adrénaline dans de nombreux organes. Il se produit alors un « rétrocontrôle négatif » des hormones de stress, glucocorticoïdes en particulier, rétrocontrôle qui inhibe leur propre synthèse en agissant en retour dans le cerveau sur l’hypothalamus et l’hypophyse en particulier. Ce rétrocontrôle permet de calmer les premiers effets des réactions face au stress et de rééquilibrer le fonctionnement corporel. Cependant, si le stress se prolonge, il peut y avoir un épuisement du rétrocontrôle. Cet épuisement peut entraîner des pathologies métaboliques et psychiatriques. Enfin, quand le stress se prolonge, sont attaqués dans le cerveau l’amygdale et l’hippocampe où se jouent les phénomènes de mémoire et d’humeur. La taille de l’hippocampe diminue. Dans les stress aigus, les dendrites des neurones se rétractent, des piques de ces dendrites disparaissent, ce qui amoindrit les communications entre les neurones et diminuent les fonctions d’apprentissage et de mémoire. À cela s’ajoute une diminution de la neurogénèse et de la survie des néo-neurones*. Par la suite, le cortex préfrontal, préfrontal médian en particulier, impliqué dans les prises de décision et dans l’évaluation cognitive en général, peut être touché.
Pourquoi le stress et ses effets délétères perdurent-t-il ? En raison de l’énergie demandé au corps demandé pour réagir. À la longue, il y a dérégulation des boucles de rétrocontrôle, diminution des glucocorticoïdes dans leur rôle vertueux de rééquilibrage, ce qui entraîne un emballement des déséquilibres dû au stress. Il en résulte en général l’installation d’un état de dépression et l’augmentation des risques de pathologies comme les phénomènes d’addiction, maladie de Parkinson, schizophrénie, augmentation du taux de sucre dans le sang, problèmes cutanés, zonas, herpès, psoriasis.
* Tout au long de notre vie, nous fabriquons de nouveaux neurones. Cette production s’appelle la neurogénèse. Dans de bonnes conditions, ces nouveaux neurones migrent dans le cerveau. Ils enrichissent et renforcent certaines fonctions cérébrales, en particulier les fonctions d’apprentissage et de mémorisation. En cas de stress, cette action de neurogénèse est arrêtée.
Stress et mal vivre
Le stress est un « mal vivre ». L’esprit est encombré de pensées dont il ne peut se libérer. Celui ou celle qui est en état de stress est anxieux ou anxieuse sans mesurer la raison de son inquiétude, sans évaluer ce qui mérite son attention et ce qui ne le mérite pas. Les messages sur le téléphone mobile, les mails sur l’ordinateur imprègnent l’esprit de la nécessité de répondre dans l’immédiat. Dans les pensées qui tournent en rond se mélangent les actions justifiées que nous avons à accomplir et que d’ailleurs nous savons très bien accomplir avec toutes les autres, futiles, sans importance, inutiles, qu’il faut sans doute effacer de nos obligations et qui néanmoins désorganisent tout ordonnancement que nous devrions mettre en place dans l’accomplissement de nos actions. Le stress non maîtrisé installe dans l’esprit un fatras d’incertitudes sur ce qui va arriver dans nos vies et éventuellement dans la vie de nos proches. Cet accaparement de préoccupations inutiles nous empêche de raisonner. Lorsque nous sommes stressés, on pense que les soucis qu’on anticipe, qu’on imagine, sont une réalité, voire une certitude et notre corps réagit comme recevant ces émotions. L’incertitude devient une certitude et c’est épuisant. L’une des conséquences immédiates peut en être la procrastination, cette incapacité à se mettre en action et cette attitude à reporter à demain ce que nous devrions faire aujourd’hui. Nous serions en capacité de « faire » si nous ne nous installions pas dans une léthargie de l’inaction.
Les problèmes que nous imaginons n’existent pas encore et ne nous concernent pas. Notre cerveau fait de nos inquiétudes des « fake news ». Et notre cerveau est très habile et très efficace parce qu’il utilise les réseaux de notre propre intelligence qui parviennent à nous convaincre. Le drame, c’est que l’on croit nos pensées parce que ce sont les nôtres.
Comme l’écrit le docteur David Gourion dans son livre Antistress, la méthode simple pour soigner l’anxiété et la déprime, il faut bannir deux mots : Et si… deux mots qui rouvrent le tiroir aux ruminations et leur manège sans fin. Pour reprendre son image, le manège sans fin des ruminations est comme « un périphérique dont toutes les sorties seraient fermées ».
Enfin, L’ensemble des affects produits par le stress conduit à une détérioration du temps, de notre temps, celui que nous vivons ou plutôt que nous devrions vivre avec ses rythmes, ses pauses, ses respirations et en finale, et ce n’est pas le moindre mal, la déstructuration des rythmes du sommeil, ce qui nous prive alors des temps de récupération, pourtant si importants pour justement, se reprendre en mains et maîtriser son stress.
Gérer son stress
Il est nécessaire se reprendre en mains, mais ce n’est pas si facile puisque justement, l’état dans lequel nous a conduit le stress est un état de dépression, état qui annihile les capacités de se mettre en action.
Il faut donc que celui ou celle qui subit son stress comprenne ce qui lui arrive et qu’il n’y a pas de honte à être prisonnier de cet état. C’est le résultat d’une déficience physiologique de réponse adéquate à l’envahisseur stressant.
En premier lieu, il faut mettre de l’ordre dans le déroulement de ses journées : respecter les temps de sommeil et fixer une régularité dans l’heure à laquelle on se couche. Réguler ses repas, manger sainement (fruits et légumes en avant), se fixer des temps de détente et les respecter.
S’obliger à pratiquer une activité physique et s’entretenir physiquement ; une marche de 20 minutes par jour est une bonne option. Dans la journée, s’offrir des temps de respiration pleine et reconstructive (Un mode de respiration commençant par pousser sur l’abdomen puis remontant pour emplir le haut des poumons et souffler ensuite en vidant d’abord le haut des poumons puis le bas du ventre est un bon schéma.) Prenez conscience que l’accélération du temps qui rythme nos activités nous fait vivre en apnée si nous n’y prenons pas garde.
Dans un deuxième temps, réfléchissez sur le processus du stress qui vous accapare à partir des explications exposées précédemment afin de vous pénétrer de la relativité, puis de l’inconsistance des préoccupations qui vous encombrent l’esprit. Peu à peu, dégagez-vous de cette emprise.
Recadrez ce que vous croyez être vos soucis. Vous n’êtes pas le valet de vos soucis. Le matin, pratiquez la méditation ou des exercices de pleine conscience ou, si vous ne savez comment faire, dès votre lever, asseyez-vous sur un fauteuil ou une chaise, en vous tenant droit, commencez un cycle de respiration de deux à trois minutes ou davantage comme indiqué précédemment. Décontractez-vous. Regardez les choses avec hauteur, comme si vous vous grandissiez. Concentrez-vous sur vous-même, peu à peu élevez-vous mentalement comme si vous vous sentiez au-dessus de toutes les petites pensées, au-dessus de toutes les petites choses de la vie, sentez-vous vous libérer, vous devenez le maître de votre environnement, vous maîtrisez le temps de votre indépendance cérébrale. Vous restaurez l’équilibre entre vous et votre environnement. Peu à peu, en répétant ces pratiques, vous réussissez votre lâcher-prise, vous libérez votre pensée, la pensée créative, la pensée libre, la pensée indépendante de tout agent extérieur.
Par la suite, ajoutez à vos temps de pause ou de loisir l’activité de la lecture si ce n’est déjà votre pratique. La lecture fait changer d’environnement. Vous pouvez également écrire si vous en éprouvez l’envie et que vous vous sentez inspiré.
François Bénétin – mars 2024
Ouvrages de référence :
Vivre avec son stress – Docteur Marc Salomon – Editions Pasteur
Antistress, la méthode simple pour soigner l’anxiété et la déprime. – Docteur David Gourion – Editions Marabout