Intuition, créativité et mémoire

Publié le 14 Mai, 2020
par Francois Benetin

L’intuition, la Créativité et la mémoire sont en étroite interrelation. L’intuition se manifeste souvent comme une « révélation », une solution à un problème insoluble ou une idée créative, novatrice, voire révolutionnaire.

« L’intuition est la perception immédiate de la vérité sans l’aide du raisonnement » dit le dictionnaire Larousse.

 

Découverte et intuition

Dans les années 1970, Le docteur Judah Folkman poursuivant une recherche sur le sang artificiel, observe que les cellules cancéreuses de la souris plongées dans un bain d’hémoglobine cessent de se multiplier lorsqu’elles forment une tumeur de la taille de la tête d’une épingle.

Il a une intuition géniale : les tumeurs ne peuvent pas se développer au-delà d’une certaine taille sans apport en sang par les vaisseaux sanguins. Il envisage sur cette base un contrôle des tumeurs. Bien que rejeté par la communauté scientifique, il persiste dans sa recherche, sûr de son intuition. Il mit en lumière le phénomène d’angiogenèse (Formation de nouveaux vaisseaux sanguins par une tumeur maligne qui lui permet ainsi de s’oxygéner, de se nourrir et de se développer), étape fondamentale dans le traitement du cancer. C’est à la suite de ses travaux que le premier traitement anti-angiogénique fut donné en 2004.

Nombreux sont les exemples de révélation soudaine.

 

L’intuition est basée sur la mémoire

A l’université de l’Iowa, Antonio Damasio organise sous forme de jeu un test, devenu universel, pour révéler d’une part le rôle des émotions et d’autre part le rôle de l’intuition dans nos prises de décision.

Quatre paquets de cartes sont présentés au participant. Le participant doit tirer 100 cartes des paquets de son choix. Certaines cartes rapportent des points, d’autres en font perdre. Il y a deux paquets à haut risque faisant perdre des points et deux autres paquets à faible risque. Au bout d’un moment, le participant reconnait les bons et les mauvais paquets. Mais, avant qu’il ait pris conscience des bons et mauvais paquets, on enregistre par un test cutané qu’il éprouve du stress dès le dixième tirage (mains humides), quand il puise dans l’un des mauvais paquets, ce qui signifie que le participant connait les bons et les mauvais paquets, par intuition, avant qu’il n’en ait pris clairement conscience. Le même test effectué avec des amnésiques échoue, ce qui confirme que l’intuition repose sur la mémoire.

 

Deux routes cérébrales

Les surgissements cérébraux générant des découvertes ne procèdent pas de la pensée analytique.

Selon Daniel Goleman, psychologue américain auteur de l’intelligence émotionnelle, deux routes cérébrales existent : la route haute, celle de la pensée analytique, qui procède par étapes et nécessite des efforts ; la route basse, celle de l’intuition, qui opère à notre insu, automatiquement et sans effort, à une vitesse incroyable. Elle permet de se faire en un éclair une opinion sur une situation donnée. C’est en passant ce que nous faisons lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois. Nous nous en faisons une opinion et notre cerveau la juge (C’est terrible !) en une fraction de seconde. Cette impression flash jouera un rôle dans la mémorisation du nom et du prénom de la personne, thème critique souvent évoqué dans l’entraînement de la mémoire.

 

 

La première impression est souvent la meilleure

Une étude de 2002, réalisée par Samuel Gosling, du département de psychologie de l’Université du Texas à Austin, démontre la pertinence des impressions sur la personnalité et le caractère des occupants de chambres d’étudiants à la simple observation rapide de leurs chambres sans avoir vu les étudiants.

En revanche, si les observateurs prennent du temps pour analyser leurs observations, ils ont tendance à commettre davantage d’erreurs que dans leur première impression.

 

L’intuition permet-elle de prendre de bonnes décisions ?

Oui, … et parfois Non ! Certaines décisions dépendent d’un raisonnement purement analytique, comme par exemple déterminer le coût d’un achat où n’interviennent que des éléments comptables sans éléments subjectifs. D’ autres décisions comme le choix d’un nouveau local professionnel ou bien savoir si une personne me plaît ou ne me plaît pas, relèvent du système intuitif. Dans ces situations, les causes du choix ne sont pas clairement identifiables ou, tout au moins, dans le cas du local professionnel, des éléments non quantifiables interviennent.

En fait, notre intuition est fiable lorsqu’elle repère inconsciemment, des motifs familiers et en déduit la réponse à apporter, soutient John Kounios, Professeur de psychologie à l’université Drexel (Philadelphie). De par sa fonction intuitive, notre cerveau établit une cartographie de la situation. Pour cela, il faut qu’il possède en mémoire une profonde expérience du domaine. Au jeu des échecs, avant que l’ordinateur ne s’y intéresse, lorsque dans une position donnée qui semblait égale entre deux joueurs, on ne pouvait pas par l’analyse prévoir une suite gagnante, on constatait que malgré tout, c’était le plus souvent le plus fort qui l’emportait. On disait alors : « C’est
toujours le joueur le meilleur qui a de la chance ».

Cela signifiait que lorsque l’analyse devient impossible, c’est l’intuition qui prend le relais et que celle-ci est d’autant meilleure que le domaine dans lequel elle est appelée à s’appliquer nous est familier.

 

L’intuition face à l’imprévu

Notre intuition est également généralement fiable face à l’imprévu, dans une situation critique. Dans ce cas, notre cerveau inventorie tous azimuts des situations vécues quelque peu similaires et s’en inspire…, en une fraction de seconde. Dans la majorité des situations critiques, l’intuition générera une meilleure décision que celle, beaucoup plus lente, du raisonnement analytique. En revanche, méfions-nous de croire dans les vertus de notre intuition là où elle n’a pas son rôle comme par exemple les « intuitions » qui vous dirigent vers des placements financiers. Une étude a montré que les « intuitions » des experts qui conseillent tel ou tel placement, sont aussi fiables… que si vous investissiez de manière aléatoire. Méfions nous aussi de l’intuition qui laisse croire que l’on sait faire deux choses en même temps, comme téléphoner en conduisant.

En bref, quand faut-il se méfier de notre intuition ? Quand nous n’avons pas d’expérience et d’expertise dans le domaine concerné.

 

La bonne humeur et le sommeil renforce l’intuition

Annette Bolt (Université de technologie de Brunswick – Allemagne) a mis en évidence que la bonne humeur est un facteur favorisant l’expansion de l’intuition et, à contrario, que la mauvaise humeur et l’anxiété renforçaient la pensée analytique au détriment de l’intuition. Quant au sommeil, il améliore les capacités intuitives en consolidant la mémoire. Et par suite, les facultés « d’incubation », c’est-à-dire les capacités de faire de nouvelles associations d’idées, s’amplifient. Ainsi que le conseille John Kounios, il vaut mieux parfois ne rien faire : « Si votre esprit est constamment occupé à remplir des tâches, le processus d’incubation est inhibé ». Cette remarque est d’autant plus d’actualité que nous sommes sollicités par un environnent accaparant en permanence notre attention ou emplissant simplement notre tête tel une drogue que sont les écrans, les portables et les jeux vidéo à caractère obsessionnel.

Voici un exemple évoquant la nécessité de préserver les moments où l’on ne fait rien. En 1984, lors du tournage d’un film publicitaire sur une île du pacifique pour une boisson aux fruits bien connue, la société de production avait établi sa base au Club Méditerranée de Moorea pour des commodités d’intendance. Mathieu, 45 ans, créateur de la campagne publicitaire, découvrait le Club Méditerranée avec sa profusion d’activités et d’animations tout au long de la journée. Etonné devant cet éventail continu et sans répit d’activités proposées, il me confia ce commentaire subtil et clairvoyant : « Je voudrais bien avoir la liberté de m’emmerder quand je veux. ». Tout était dit.

Dans la deuxième partie de ce sujet « Intuition, Créativité et Mémoire (II) », nous poursuivrons notre voyage depuis l’Intuition jusqu’à la Mémoire en passant par la case Créativité.

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